Article Blois Capitale 22/03/2025
À Blois, Vélo41 agit pour l’autonomie, la solidarité et la transformation urbaine

Christian Deblaise, l’un des trois coprésidents de l’association Vélo41
© (Photo Marc Alvarez)
Chaque mercredi, de 17h30 à 19h30, le Relais Vélo, situé au 6 rue Descartes, à deux pas de l’Espace Quinière Rosa Parks, s’anime. C’est ici que l’association Vélo41 tient son atelier hebdomadaire d’auto-réparation. Depuis plus de dix ans, elle œuvre à rendre la bicyclette accessible, réparable et désirable, dans une logique d’autonomie partagée. « On parle de vélonomie, précise Christian Deblaise, co-président de l’association. C’est la capacité à s’approprier son vélo, à le réparer, à le comprendre, à en faire un outil d’autonomie. » Entre les murs de ce local prêté par la Ville de Blois, plus de vingt bénévoles engagés font vivre une structure ancrée dans son territoire, à la fois populaire, pédagogique et solidaire.
L’atelier d’auto-réparation est ouvert à l’ensemble des adhérent·es. L’adhésion annuelle est volontairement accessible : 15 euros en individuel, 20 euros en familial, et 5 euros pour les personnes en recherche d’emploi ou les étudiants. « L’idée, c’est que les gens viennent avec leur vélo, qu’ils fassent eux-mêmes, avec nos conseils, les réparations nécessaires. On est toujours cinq ou six bénévoles sur place, jamais moins. On ne fait pas à leur place, on accompagne. »
Autour de l’atelier, l’association développe une série d’activités complémentaires : récupération et remise en état de vélos, vélo-école pour adultes, animations dans les entreprises, projets avec les bailleurs sociaux, interventions dans les quartiers, événements festifs… Tout un maillage d’initiatives articulées autour d’un objectif central : faire du vélo un outil du quotidien.

Réparer, apprendre, transmettre
Un grand conteneur blanc trône dans la cour : c’est la réserve de vélos remis en état. « On en reçoit beaucoup. Certains sont en assez bon état, d’autres demandent du travail. On les répare et on les vend à petit prix, entre 30 et 60 euros, pas plus. » Au Relais Vélo, on peut également acheter des pièces ou des équipements.
Chaque vente est aussi un moment de dialogue. « On discute toujours un peu avec la personne : où habitez-vous ? Pour quoi faire ? Pour le loisir ? Pour le travail ? Rien que cette discussion, c’est déjà une manière de faire la promotion du vélo. » Pour répondre à la demande croissante, l’association a un temps employé un salarié à mi-temps, avec un contrat Cap’Asso. « Mais c’est compliqué à maintenir, financièrement et structurellement. Pourtant, on en aurait bien besoin. Il y a tellement de vélos à remettre en état, tellement de choses à faire. »
Vélo41 organise également des ateliers délocalisés dans les entreprises ou chez des partenaires. Une remorque spécialement aménagée permet de transporter outils et matériel. « On était récemment chez Worldline, et bientôt chez Malakoff Humanis. L’idée, ce n’est pas d’expliquer pourquoi il faut faire du vélo, mais d’apporter une réponse concrète : réparer, entretenir, remettre en état. »
Une vélo-école pour adultes, lieu d’apprentissage et de dignité
Tous les lundis, de 14h à 16h, l’association propose une vélo-école pour adultes. La plupart des participantes sont des femmes, souvent mères de famille, parfois d’origine étrangère. Elles viennent apprendre à faire du vélo — ou à s’y remettre — pour suivre leurs enfants, aller faire les courses ou se rendre au travail. « On commence sans pédales, puis avec une seule, on travaille l’équilibre, le freinage, la position dans la rue, le sas vélo, la circulation. Ce sont des étapes progressives, mais on voit vite les progrès. »
L’association dispose d’une flotte de vélos spécifiques pour l’apprentissage, légers, bas, faciles à manier. « On a été formés à cette pédagogie. On a organisé deux sessions de formation, et on a aujourd’hui 18 bénévoles formés à l’initiation à la mobilité à vélo. » Certaines participantes, une fois en confiance, poursuivent leur apprentissage en extérieur. « On sort avec elles, on leur apprend à circuler en ville, à se positionner. On insiste sur la sécurité. Casque et chasuble sont obligatoires dès qu’on sort », explique Christian Deblaise.
Militer par l’exemple, dialoguer avec les institutions
En parallèle de ces actions de terrain, Vélo41 s’efforce de dialoguer avec les institutions. L’association participe à des réunions avec la Ville de Blois, Agglopolys ou le Conseil départemental, et fait remonter les besoins, les lacunes, les attentes. « Ce n’est pas toujours facile. Parfois, on nous montre les plans. Parfois non. Et il faut dire que certains projets posent problème », confie le co-président de l’association.
Christian Deblaise cite l’exemple des zones de rencontre, comme avenue Wilson ou rue Denis-Papin : « En théorie, c’est limité à 20 km/h. Mais dans les faits, personne ne respecte cette limite. Il n’y a pas eu de communication claire sur le sujet. Et les aménagements ne sont pas lisibles. »
L’association formule aussi des propositions concrètes : fermetures de rues devant les écoles à l’heure d’entrée et de sortie, aménagements cyclables vers les zones commerciales, sécurisation de certaines traversées. « Ce qu’on défend, c’est une ville à 30 km/h, où la circulation est pacifiée. Si la vitesse est maîtrisée, on n’a même plus besoin de pistes cyclables séparées. »

Des événements pour tisser du lien
L’association reste modeste. Pas de grands moyens, pas de salarié, une structure entièrement portée par le bénévolat. « On ne fait rien de révolutionnaire, mais on essaie d’être présents, constants, utiles », observe Christian Deblaise. Dans cette idée, en parallèle de ses ateliers, Vélo41 multiplie les initiatives pour ancrer la pratique du vélo dans la vie locale. L’association organise des sorties nocturnes baptisées Vélo Noctambule (prochaine le 28 mars 2025), des apéros-réparations conviviaux réunissant une vingtaine de participant·es autour d’un vélo et d’un verre, ainsi que des animations lors d’événements tels que La rue aux enfants, avec des parcours spécialement conçus pour les plus jeunes. Elle distribue également du matériel de visibilité dans le cadre du Plan départemental d’actions de sécurité routière (PDASR), et mène des actions ciblées dans les quartiers prioritaires, notamment en partenariat avec des bailleurs sociaux comme 3F, où sont proposés des ateliers et des initiations à la pratique du vélo. Le nombre d’adhérents à Vélo41 croît doucement, mais sûrement. « Les bénévoles ici sont tous convaincus de l’intérêt du vélo : pour la santé, contre la pollution, contre la sédentarité. Les adhérents, c’est plus variable. »
Une chose est sûre : la ville change. Les cyclistes se multiplient, les usages évoluent, et la pression citoyenne monte. « Longtemps, on nous disait : vous nous embêtez avec vos trois cyclistes. Mais maintenant, il y a des comptages. Et les chiffres parlent. Une fois les aménagements réalisés, la pratique augmente. L’infrastructure crée la vocation. » À Blois, l’aménagement du rond-point Médicis est souvent cité en exemple. Le flux automobile a été réduit, la vitesse abaissée, les traversées cyclables sécurisées. « C’est exactement ce qu’il faut faire. C’est ce type d’aménagement qui change la donne. »

Oui, le vélo gagne du terrain dans la cité : « Lorsqu’on se place au coin d’une rue, ou d’une terrasse rue du Bourg-neuf, on voit bien que le nombre de cyclistes a augmenté. Et cela se vérifie dans les chiffres : Agglopolys nous a indiqué qu’en 2024, il y avait eu davantage de passages de cyclistes que de voitures sur le pont Jacques-Gabriel. » Face à cette progression, les infrastructures doivent suivre. Et l’association entend bien faire entendre la voix des usagers. « Ce que veulent les cyclistes, ce n’est pas de la cosmétique. C’est de la sécurité. On a besoin de vraies pistes cyclables, pas de bandes étroites au bord de routes à forte circulation. L’avenue de Vendôme est un bon exemple de ce qui doit évoluer. »
À la veille des élections municipales de 2026, Christian Deblaise promet que Vélo41 jouera pleinement son rôle de vigie, à la fois pragmatique et exigeante. « Le vélo, ce n’est pas une lubie. C’est une solution de mobilité, de santé, d’écologie, d’autonomie. C’est surtout une liberté. » À quelques semaines de la clôture du Baromètre Vélo 2025, outil national de consultation des usagers cyclistes (un prochain article sera dédié à cette consultation), Vélo41 entend bien s’appuyer sur les retours du terrain pour faire pression sur les décideurs.
Marc ALVAREZ